samedi 8 septembre 2012

Parcours de Personnages ( Séance 1)

Problématique : En quoi les paroles rapportées vont-elles  permettre au lecteur de comprendre à la fois les relations qui s’installent entre les personnages du roman et le point de vue du narrateur ?

L'épisode des comices agricoles est un extrait du roman éponyme Madame Bovary écrit par Gustave Flaubert en 1857.


Gustave Flaubert est un écrivain français du XIXème siècle (1821-1880) suivant le courant du Réalisme :

« Le Réalisme est un mouvement artistique moderne apparu vers 1850 en France.

Celui-ci naquit du besoin de réagir contre le sentimentalisme romantique et contre « la sottise, le poncif et le bon sens » (Baudelaire).

Le Réalisme est un mouvement culturel qui est caractérisé par une attitude de l’artiste face au réel. Il définit un type de littérature qui veut représenter le quotidien le plus fidèlement à la réalité possible, sans omettre le banal avec un point de vue objectif.

Le Réalisme cherche à dépeindre la réalité telle qu’elle est, sans artifice et sans idéalisation, choisissant ses sujets dans les classes moyennes ou populaires, et abordant des thèmes comme le travail salarié, les relations conjugales, ou les affrontements sociaux.

Ce mouvement apparait dans la seconde moitié du XIXe siècle pour s’opposer au Romantisme, qui a dominé la première moitié du siècle et pour dénoncer et analyser les mœurs de la vie quotidienne.

Flaubert est très tôt conscient que le Réalisme est une utopie : l’écriture ne peut que produire du texte, pas du réel. »


Ce courant permet aux historiens d'obtenir d'autres sources d'information sûres en plus d'autres ressources historiques d'époque. Madame Bovary a aussi permis à Armand Fremont (1933 -…), géographe, de développer sa thèse sur les « espaces vécus » :


« Armand Frémont doit sa notoriété à l’élaboration d’un concept géographique nouveau, apparu dès 1976, celui de l’espace vécu. Ce terme, qui définit ainsi le territoire comme espace approprié par un sujet, a quelque peu modifié les représentations que se faisaient les géographes de la notion d’espace. En effet, selon l’auteur, faire de la géographie ne se résout pas seulement à analyser ni à maîtriser un territoire, puisque c’est l’individu qui, par ses actions, va modifier l’espace. Ainsi, se serait l’homme lui-même qui serait producteur de sa propre géographie. Armand Frémont est agrégé de géographie, qu’il a enseigné à l’université de Caen pendant 25 ans. (...)


Pour amorcer sa réflexion au sujet de l’espace vécu, Frémont commence par montrer que Madame Bovary apparaît comme une véritable géographie, puisque les trois espaces constitutifs d’une vie y sont présentés : un monde clos dans lequel est enfermé l’individu, un monde extérieur qu’il se forge, enfin un monde auquel il aspire. La géographie, selon Frémont, serait constituée par cette interaction entre l’individu, le paysage, et son milieu » (http://lewebpedagogique.com/geotrouvetout/tag/espace-vecu/).


Gustave Flaubert s'est inspiré de la ville du Ry en Haute-Normandie pour écrire son roman.







Les comices agricoles sont connus sous plusieurs appellations telles que les sociétés d'agricultures et les associations agricoles. Ces associations prennent réellement le nom de comices agricoles suite à une loi promulguée le 31 mai 1833. Ils sont composés de cultivateurs qui se rassemblent périodiquement afin de mettre en commun des innovations et améliorations.


TEXTE


En Normandie, au temps de la Monarchie de Juillet (1), Rodolphe Boulanger et Emma Bovary assistent aux comices agricoles de Yonville, « bourg à huit lieues de Rouen, sur les confins de la Normandie, de la Picardie et de l’Ile de France » (II, 1). Ils sont assis dans la salle des délibérations au premier étage de la mairie du village pendant que les discours des officiels se succèdent devant la population de la région.


Il se tenait les bras croisés sur ses genoux, et, ainsi levant la figure vers Emma, il la regardait de près, fixement. Elle distinguait dans ses yeux des petits rayons d'or s'irradiant tout autour de ses pupilles noires, et même elle sentait le parfum de la pommade qui lustrait sa chevelure. (….) La douceur de cette sensation pénétrait ainsi ses désirs d'autrefois, et comme des grains de sable sous un coup de vent, ils tourbillonnaient dans la bouffée subtile du parfum qui se répandait sur son âme. Elle ouvrit les narines à plusieurs reprises, fortement, pour aspirer la fraîcheur des lierres autour des chapiteaux. Elle retira ses gants, elle s'essuya les mains ; puis, avec son mouchoir, elle s'éventait la figure, tandis qu'à travers le battement de ses tempes elle entendait la rumeur de la foule et la voix du conseiller qui psalmodiait ses phrases.


Il disait :

« Continuez ! Persévérez ! N’écoutez ni les suggestions de la routine, ni les conseils trop hâtifs d'un empirisme téméraire ! Appliquez-vous surtout à l'amélioration du sol, aux bons engrais, au développement des races chevalines, bovines, ovines et porcines ! Que ces comices soient pour vous comme des arènes pacifiques où le vainqueur, en en sortant, tendra la main au vaincu et fraternisera avec lui, dans l'espoir d'un succès meilleur ! Et vous, vénérables serviteurs ! humbles domestiques, dont aucun gouvernement jusqu'à ce jour n'avait pris en considération les pénibles labeurs, venez recevoir la récompense de vos vertus silencieuses, et soyez convaincus que l'Etat, désormais, a les yeux fixés sur vous, qu'il vous encourage, qu'il vous protège, qu'il fera droit à vos justes réclamations et allégera, autant qu'il est en lui, le fardeau de vos pénibles sacrifices ! »


M. Lieuvain se rassit alors ; M. Derozerays se leva, commençant un autre discours. Le sien, peut-être, ne fut point aussi fleuri que celui du conseiller ; mais il se recommandait par un caractère de style plus positif, c'est-à-dire par des connaissances plus spéciales et des considérations plus relevées. Ainsi, l'éloge du gouvernement y tenait moins de place ; la religion et l'agriculture en occupaient davantage. On y voyait le rapport de l'une et de l'autre, et comment elles avaient concouru toujours à la civilisation. Rodolphe, avec Mme Bovary, causait rêves, pressentiments, magnétisme. Remontant au berceau des sociétés, l'orateur vous dépeignait ces temps farouches où les hommes vivaient de glands, au fond des bois. Puis ils avaient quitté la dépouille des bêtes, endossé le drap, creusé des sillons, planté la vigne. Etait-ce un bien, et n'y avait-il pas dans cette découverte plus d'inconvénients que d'avantages ? M. Derozemys se posait ce problème. Du magnétisme, peu à peu, Rodolphe en était venu aux affinités, et, tandis que M. le président citait Cincinnatus à sa charrue, Dioclétien plantant ses choux, et les empereurs de la Chine inaugurant l'année par des semailles, le jeune homme expliquait à la jeune femme que ces attractions irrésistibles tiraient leur cause de quelque existence antérieure.


- Ainsi, nous, disait-il, pourquoi nous sommes-nous connus ? Quel hasard l'a voulu ? C'est qu'à travers l'éloignement, sans doute, comme deux fleuves qui coulent pour se rejoindre, nos pentes particulières nous avaient poussés l'un vers l'autre.

Et il saisit sa main ; elle ne la retira pas.


(1) La Monarchie de Juillet (1830-1848) ou le règne du roi des Français, Louis-Philippe d'Orléans (1773 - 1850) - biographie: http://www.histoire-en-ligne.com/spip.php?article209
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Extrait de l’adaptation par Claude Chabrol de Madame Bovary :


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